Auteur de l’ouvrage Les trois écologies, paru en 1989, Félix Guattari (1930-1992) est un psychanalyste et philosophe qui a développé le concept d’écosophie. Dans l’esprit de ce penseur, il est clair que l’écologie environnementale ne peut être abordée que dans son lien avec deux autres écologies : l’écologie sociale et l’écologie mentale.
Bien qu’ayant récemment amorcé une prise de conscience partielle des dangers les plus voyants qui menacent l’environnement naturel de nos sociétés, elles (les formations politiques et les instances exécutives) se contentent généralement d’aborder le domaine des nuisances industrielles et, cela, uniquement dans une perspective technocratique, alors que, seule, une articulation éthico-politique – que je nomme écosophie – entre les trois registres écologiques, celui de l’environnement, celui des rapports sociaux et celui de la subjectivité humaine, serait susceptible d’éclairer convenablement ces questions[1].
On ne peut envisager de remédier aux processus de destruction environnementale sans se préoccuper du champ économique, de l’urbanisation, des problématiques sociales et des comportements humains. Le souci de notre territoire va de pair avec le souci du vivre-ensemble et avec le souci du bien-être psychique de chacun. Les trois préoccupations sont à considérer d’un seul tenant pour que se développent véritablement des dispositifs nouveaux.
Guattari affirme le caractère foncièrement hétérogène et pluraliste de la subjectivité à la fois aux niveaux individuel et collectif. Cette conscience qui se fonde en même temps sur le rapport à soi et le rapport à l’autre – le parent, le voisin, mais aussi la vie animale et végétale, le cosmos – se trouve aujourd’hui laminée par l’uniformisation et la standardisation imposées par notre société techno-scientifique. Pour le philosophe, des pratiques radicalement innovantes sont indispensables pour sortir de la situation périlleuse dans laquelle nous nous trouvons. L’écologie sociale, en remettant en question le capitalisme mondial, serait à même de recréer de nouvelles relations et de nouveaux espaces « aussi bien aux niveaux micro-sociaux qu’à de plus grandes échelles institutionnelles », tandis que l’écologie mentale pourrait redonner place à la singularité de chacun, en reconsidérant le rapport au corps et à l’imaginaire.
[1] Felix Guattari, Les trois écologies, Galilée, 1999, pp. 12-13.