La psychologie transpersonnelle

Paradigme
L’être humain est relié à un ensemble qui transcende sa dimension personnelle et auquel il accède grâce à des états modifiés de conscience.

Au-delà de l’ego

La psychologie transpersonnelle se réfère à l’idée d’un dépassement de soi. Elle ne se limite pas à l’ontogénèse de la psyché, à ses contenus individuels, elle se tourne vers la dimension « spirituelle » de l’être humain.
Etant entendu que : « La spiritualité c’est tout ce qui peut se passer à partir du moment où je me retire de la position d’origine, c’est à dire à partir du moment où je cesse de vouloir être celui qui décide de tout1. »

Sur le plan pratique, la démarche transpersonnelle consiste à provoquer chez les individus des états non ordinaires de conscience. (Maslow, qui initia la psychologie transpersonnelle, les appelait « peak experiences » ou « expériences paroxystiques »). Ces expériences sont destinées à dissoudre les limitations mentales du « moi » pour permettre une conscience plus vaste de la réalité. Les techniques utilisées s’inspirent des traditions spirituelles orientales ou chamaniques : danses sacrées, huttes de sudation, quêtes de vision, techniques respiratoires, visualisation créatrice…
Outre l’étude des états de conscience modifiés, le mouvement transpersonnel s’est beaucoup intéressé aux phénomènes paranormaux (expériences de mort imminente, prémonition, télépathie…) aux rêves lucides et aux effets produits par l’absorption de drogues hallucinogènes.

Les influences

Au départ, le courant de la Psychologie transpersonnelle s’inspire de la psychologie analytique de Jung et de « la psychosynthèse » de Roberto Assagioli.

Carl-Gustav-Jung

L’influence de la pensée et du mode d’approche de Carl Gustav Jung, est indéniable concernant le développement de la psychologie transpersonnelle. D’ailleurs, c’est Jung qui, le premier, utilisa le terme « transpersonnel », dans un article paru en 1917, « L’insconscient personnel et transpersonnel ». Le psychanalyste avait entendu certains patients raconter des rêves étranges, remplis d’une atmosphère sacrée. A ses yeux, ces images tendaient à faire apparaître un « centre de l’âme », le Soi caché, capable de mener l’être à la pointe de lui-même, c’est-à-dire à l’universel.

La psychosynthèse est née de la recherche d’un élève de Freud, Roberto Assagioli (1888-1974).

roberto-assagioli

Ce neuro-psychiatre fut un pionnier de la psychanalyse en Italie. Mais, dans sa thèse de doctorat, il critiqua l’approche freudienne de l’inconscient parce qu’elle lui paraissait trop mécaniste et donnait, selon lui, trop de place à la sexualité en ne tenant pas compte de la nature spirituelle de l’homme.
En 1909, Assagioli rencontra Jung à la clinique psychiatrique du Burghölzli de Zurich. A la même époque, il entendit parler du concept de « psychosynthèse », terme avancé par un psychiatre suisse Doumeng Bezzola et qui circulait dans le milieu psychanalytique. Cherchant à ouvrir le champ de la psyché aux énergies qui émanent de la dimension transcendante de l’être, Roberto Assagioli élabora alors une méthode nouvelle de thérapie et de développement de la personnalité, qu’il dénomma « Biopsychosynthèse ». En 1926, fut fondé à Rome le premier institut de pratique de la psychosynthèse. D’autres suivirent en Europe et dans le monde.

Dans la psychosynthèse, l’être humain est envisagé comme un système global, une unité indivisible à l’image du corps composé d’organes différents mais irrigués par le même sang. Il s’agit donc d’accorder à chaque dimension, le corps, les émotions, l’intellect et l’âme, l’importance qui lui revient.

« La Psychosynthèse est avant tout une conception dynamique de la vie psychique, vue comme lutte entre une multiplicité des forces rebelles et contrastantes et un Centre unificateur qui vise à les dominer, à les harmoniser, à les utiliser de manières les plus utiles et créatives ».
« L’homme moderne, qui domine la nature et en exploite les énergies, ne se rend pas compte que, en réalité, tout ce qu’il fait à l’extérieur a son origine en lui, dans son psychisme… C’est pourquoi on devrait d’abord connaître, examiner et contrôler ses mobiles. » (Roberto Assagioli, Le développement transpersonnel)

Selon Tan Nguyen, la psychosynthèse est

« une approche systémique : elle prend en compte l’être humain comme un système vivant corps/esprit en interaction avec l’environnement. Comme dans tout système, l’ensemble est plus grand que la somme des parties. Notre être est plus grand que tout ce que nous croyons être à travers le récit de notre mémoire.
C’est une approche intégrative : elle est d’abord une expérience vécue d’ouverture et de re-centration. Plus que de psychologie explicative, il s’agit d’une pratique de l’ouverture à l’autre, d’un art du vivant. Cette méthodologie est montrée et vécue à travers des techniques et exercices pratiques de réflexion sur soi, de dialogues intérieurs créatifs, de visualisations, d’écoute et de mobilisation du corps, des affects et de l’intuition, des jeux interactifs. C’est la manière d’utiliser la technique qui donne sa spécificité à la psychosynthèse, plus que la technique en soi. Une pratique de psychothérapie en découle, en même temps qu’un processus éducatif et de formation personnelle s’appliquant à divers domaines : éducation, psychothérapie, entreprise, sciences. Elle utilise à l’intérieur de son cadre, les outils du travail thérapeutique intégrant les dimensions du corps, des émotions, de l’intellect et de l’âme. Approchant la psyché-soma (le corps/esprit) comme un système global, elle apprend à analyser l’inconscient inférieur (les désirs refoulés), à clarifier les choix du moi conscient de la vie présente, et à être réceptif aux aspirations créatives et intuitions du supra-conscient. » (Wikipedia)

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La naissance de la psychologie transpersonnelle

abraham-maslow

La psychologie transpersonnelle proprement dite est née dans les années 1960. C’est à cette époque en effet qu’Abraham Maslow reprit le dernier niveau de sa pyramide des besoins, le niveau de la réalisation de soi, pour y ajouter la notion de « dépassement de soi », autrement dit de « transcendance », et créer une école adaptée : l’école de psychologie transpersonnelle.

« Je considère que la troisième école de psychologie [la psychologie humaniste] comme transitoire, comme une préparation pour une quatrième psychologique encore plus haute, transpersonnelle, trans-humaine, centrée sur le cosmos plutôt que sur les besoins et les intérêts humains, allant au-delà du fait humain, de l’identité, de la réalisation de soi et tout autre chose de cette nature. »2

L’école de psychologie transpersonnelle reconnaît les apports conceptuels des autres courants (la psychanalyse, le behaviorisme et la psychologie humaniste) tout en y ajoutant la dimension spirituelle comme partie intégrante de l’être humain. Elle donne place aux perceptions intuitives des grandes traditions spirituelles, religions et chamanisme, tout en prenant en compte les résultats des études sur les états modifiés de conscience. Les psychologues de cette « quatrième école » se sentent concernés par le devenir de l’intériorité, estimant qu’il est possible d’atteindre des niveaux de conscience d’une nature plus élevée. Leur intention est d’étudier scientifiquement le champ de la spiritualité.

stanislav-grof

Très rapidement, le centre Esalen, sur la côte ouest des Etats-Unis, devint « la Mecque » des explorations dans le domaine transpersonnel : de nombreuses approches psycho-spirituelles qui s’inspiraient des traditions orientales ou du chamanisme s’y développèrent. Le psychiatre d’origine tchèque, Stanislav Grof, fondateur de l’International Transpersonal Association (1971), y mena ses recherches sur les « états non ordinaires de conscience » et inventa la technique de la respiration holotropique (1976), une méthode d’exploration de soi qui intègre des éléments du chamanisme, en associant une respiration profonde et rapide avec des musiques évocatrices.
En 1985, ce chercheur publia Beyond the Brain: Birth, Death and transcendence in Psychotherapy et, en 1987, The Adventure of Self-Discovery : Dimensions of Consciousness and New Perspectives in Psychotherapy. Dans ce dernier ouvrage, il décrit les expériences transpersonnelles comme couvrant de vastes dimensions de la psyché : expérience d’union dans la relation, identification à d’autres personnes, identification et conscience de groupe, identification à des animaux, identification à des végétaux et à des processus botaniques, conscience planétaire, expériences embryonnaires et fœtales, expériences ancestrales, expériences d’archétypes universels, etc.

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La réflexion sur le mouvement se poursuivit grâce à d’autres auteurs, notamment Charles Tart, professeur de psychologie à l’Université de Californie à Davis, Roger Walsh, professeur de psychiatrie, et surtout Ken Wilber, philosophe. En 1980, dans The Atman Project, a Transpersonal View of Human Development, ce dernier établit avec précision un nouveau modèle d’évolution de la conscience humaine qui intègre les conceptions freudienne et jungienne. Il fit l’hypothèse de l’existence d’un continuum évolutif permettant de faire un pont entre la psychologie contemporaine et les traditions mystiques orientales.
Trois ans plus tard, Ken Wilber abandonna le concept de psychologie transpersonnelle pour développer celui de « psychologie intégrale ». La psychologie intégrale représenterait la « cinquième force » après les psychologies behavioriste, psychanalytique, humaniste et transpersonnelle.

« J’ai cessé de me considérer comme un psychologue transpersonnel en 1983 (…) La psychologie transpersonnelle, pour son plus grand crédit, était la première école principale de la psychologie actuelle à prendre au sérieux la spiritualité. Et pourtant, parce qu’il y a de nombreuses divergences quant à ce qu’est réellement la spiritualité, il y a de nombreuses divergences quant à ce qu’est réellement la psychologie transpersonnelle. (…)
Ce qui reste des quatre forces (béhavioriste, psychanalytique, humaniste, transpersonnelle) ne survivra, si elles survivent, qu’en étant inclus dans une approche entièrement intégrale… La psychologie intégrale est plus inclusive, puisqu’elle est fondamentalement tous quadrants, tous niveaux, toutes lignes, tous états, etc. »3

Ken Wilber continua à développer sa théorie dans d’autres écrits. Dans Eye to Eye4 (1983), il mit à jour la confusion qui est faite très fréquemment entre les domaines de l’ordre du prérationnel (ou prépersonnel : stades de développement avant que le Moi soit établi dans sa capacité de mentalisation) et ceux du transrationnel (ou transpersonnel : domaine au-delà du mental, de l’ordre du spirituel). Dans A Brief History of Everything5 (1996), il décrivit un spectre de neuf « structures fondamentales de la conscience », neuf « stades de développement », qui vont du prérationnel (inconscient) au transrationnel (supraconscient).

« Voyez par vous-même si, dans les profondeurs de votre propre conscience, ici et maintenant, vous pouvez trouver le Kosmos entier, parce que c’est là où il réside. Les oiseaux chantent – dans votre conscience. Les vagues d’océan se brisent – dans votre conscience. Les nuages se promènent – dans le ciel de votre propre conscience. Quelle est cette conscience qui est la vôtre et qui étreint l’univers entier et connaît même les secrets de Dieu ? Dans le point immobile du monde en rotation, au centre secret de l’univers connu, dans les yeux de celui-là même qui lit cette page, à la source même de la pensée elle-même, regardez émerger le Kosmos entier, dansant follement avec une philosophie passionnée qui essaye de le capturer, couronné d’une gloire sous le sceau d’un émerveillement que les amoureux cherchent à partager, se précipitant à travers le monde radieux du temps qui n’est autre que l’effort de l’éternité pour être vue ? Quel est ce Moi qui est le vôtre ? » Ken Wilber6

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1 Interview de Denis Marquet par Lilou Macé. « Comment vivre une révolution intérieure ? » http://epanews.fr/video/video/listTagged?tag=Lilou+Mac%C3%A9
2 A. Maslow, Vers une psychologie de l’être, Fayard, 1972.
3 « Un entretien avec Ken Wilber » http://www.human-side.com/wilber/interviewshamb1.htm
4 Traduction française : Les trois yeux de la connaissance, Les Editions du Rocher, 1987.
5 Traduction française : Une brève histoire de tout, Editions de Mortagne, 2019.
6 Avant-propos de l’ouvrage de Frank Visser, Ken Wilber, la pensée comme passion, Almora, 2009.

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