Motivation de Patrick Guerin

Pourquoi je m’intéresse à l’écopsychologie ?

En tant que psychologue, tout ce qui est de l’ordre des faits psychiques , des comportements et des processus mentaux m’intéresse, aussi bien lors de la relation avec soi­-même qu’avec l’autre, la société ou l’environnement.
Le champ de l’écopsychologie ayant pour objet la relation homme­-nature me permet ainsi d’approfondir les thèmes qui m’ont mobilisé jusqu’à maintenant. La démarche du chercheur en écopsychologie l’oblige à prendre la position de l’observateur et par là à se distancier. Ce qui est un avantage par rapport à celle du consultant en relations humaines et en management.
Ainsi, en travaillant sur les composantes de la relation homme-­nature, je retrouve et approfondis des axes de recherche développés tout au long de ma vie professionnelle. Ce nouveau champ interdisciplinaire me permet :

1. de valoriser la sensibilité développée au contact des paysages de mon enfance.

De 1941 à 1956, j’ai vécu en Tunisie et notamment de 5 à 13 ans à Tabarka, village orienté vers la mer et lové au creux des montagnes de Kroumirie. Je vivais « dans la nature », je jouais « dans et avec la nature », et, pendant de longues heures, de la fenêtre du salon je « contemplais la nature » : le mouvement des vagues, des dunes et, au loin, des montagnes.
La gentillesse des habitants, la douceur du climat, la saveur des pâtisseries… ont développé en moi une sensualité dans la relation au monde.
Comment être conscient de ce qui se vit en soi dans la rencontre avec l’autre ?

2. d’approfondir notre relation à ce qui est autre.

La nature est altérité. Elle est le champ d’expression de forces qui nous dépassent, au risque parfois de nous détruire. Elle prend des formes végétales et animales surprenantes. En même temps elle est, comme nous, une émergence de la « Vie ». Son polymorphisme nous oblige, au­-delà de l’émerveillement, à approfondir les raisons de la diversité du vivant.
Comment vivre la dualité des formes de vie et l’unité de la Vie ?

3. de creuser notre relation au désir.    

La nature est notre « maison », « oïkos ». Elle nous héberge, nous donne des droits mais également des devoirs. L’écopsychologie oblige à penser à tous les comportements infantiles de toute puissance, de no ­limit, de peur et d’angoisse.
Comment devenir mature ? Quelle éducation pour concilier, à l’avenir, une terre finie et des désirs illimités ?

4. de respecter la différence de l’autre.

La nature est muette ou plus précisément ne parle pas le même langage que nous. Ce qui oblige les écopsychologues à aller vers des modes de communication différents. Certains de ces modes ont déjà été développés par les peuples premiers.
L’écopsychologie oblige à se mettre à l’écoute, à percevoir la différence et à comprendre que pour éviter le sentiment de rupture avec notre environnement nous projetons sur lui nos sentiments, émotions et pensées ou bien nous nous identifions à lui au risque de ne plus être qui nous sommes. Dans les deux cas la différence n’est pas respectée. Or, il est lui et je suis moi.
En entreprise, quand j’intervenais lors de difficultés de compréhension, de respect réciproque entre les différents acteurs, mon but était que chacun reconnaisse l’altérité et la « légitimité » du point de vue de son interlocuteur. Comprendre que l’autre est « autre » parce qu’il est différent et qu’il est différent parce qu’il n’est pas au même endroit de l’organisation et qu’il n’a pas eu le même parcours de vie.
Comment dialoguer ?

5. d’élargir notre champ de conscience.

La nature est un ensemble d’écosystèmes en interdépendance. « Toutes choses étant causées et causantes, aidées et aidantes, médiates et immédiates, et toutes s’entretenant par un lien naturel et insensible qui lie les plus éloignées et les plus différentes, je tiens impossible de connaître les parties sans connaître le tout non plus que de connaître le tout sans connaître particulièrement les parties. » écrivait Pascal. (cité par Edgar Morin, Mes philosophes, Editions Germina, 2011, p. 60.)
L’écopsychologie oblige à « penser complexe » et à ne pas se satisfaire d’une pensée simplifiante. Il faut penser la complexité, l’interdépendance, élargir notre regard, intégrer la dualité dans notre réflexion et refuser d’éliminer ce qui est hétérogène, en un mot exercer son esprit à la dialogique.
Comment apprendre à vivre la relation entre le tout et les parties ?

Voilà les défis auxquels nous invite l’écopsychologie. Défis qui nous feront croître en humanité et en naturalité.

Patrick Guérin

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