La pensée ecologiste

Paradigme
Toutes les formes de la vie sont interdépendantes.

 « Dans le sens le plus large, l’écopsychologie est l’enfant du mouvement environnemental. » Whit Hibbard

L’écologie est une science qui émergea au cours de la seconde moitié du XIXe siècle. Mais très vite elle dépassa son statut de science pour devenir un mode de pensée sociétale.

A partir du XVIIIe siècle, face à l’Europe du siècle des Lumières et à sa conception mécaniste du monde, un nouveau mouvement voit le jour qui modifie les critères de l’esthétique en célébrant la perfection de la nature (et non plus seulement la beauté des œuvres humaines). Il se développe conjointement aux découvertes des naturalistes. Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), précurseur du romantisme, s’attache tout particulièrement à exalter l’état naturel par opposition à l’artificiel.

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Puis, avec la révolution industrielle, des doutes de plus en plus pressants apparaissent quant aux conséquences des activités humaines sur l’environnement. Sous l’influence des œuvres des artistes de la « Wilderness », notamment de l’écrivain Henry David Thoreau (1817-1862), les espaces sauvages ne sont plus considérés comme des lieux à craindre, mais des lieux à apprécier et à protéger. De riches amoureux de la nature, qui redoutent les dégradations que les bucherons, les propriétaires de ranch, les promoteurs, les exploiteurs de mines… peuvent provoquer, se mettent à œuvrer pour leur conservation. C’est ainsi que les premiers Parcs Naturels voient le jour (Yellowstone National Parc aux Etats-Unis en 1872, le Royal National Parc en Australie en 1879, le Parc National Banff au Canada en 1880…).

Dès le début du XIXe siècle, les premiers éléments de ce qui deviendra ultérieurement la pensée écologiste se constituent et font l’objet de nombreuses publications : La fin du monde par la science (1855) du français Eugène Huzar ; L’Homme et la Nature, ou la géographie physique telle que modifiée par l’action de l’homme (1864) de l’américain Gorge Perkins Marsh ; Le combat de Tamaka Shôzô contre la pollution des mines de cuivre d’Ashio (1901) du japonais Tanaka Shôzô ; L’Homme et la Terre (1913) de l’allemand Ludwig Klages, pour n’en citer que quelques-unes. Dans ces écrits, pourtant précoces, « La proximité avec nos préoccupations est parfois… étonnante » remarquent Dominique Bourg et Augustin Fragnière (1).

En 1915, le biologiste écossais Patrick Geddes dénonce avec force le gaspillage des ressources naturelles par la société industrielle. Mais il faut attendre l’année 1948 pour voir la naissance de la première organisation internationale de protection de la nature, l’UIPN (Union Internationale pour la Protection de la Nature), qui deviendra par la suite l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature) dont le siège se trouve en Suisse. Depuis sa création, cet organisme est devenu la principale autorité en matière de protection de la nature.

A partir des années 1960, devant les problèmes de pollution et les inquiétudes suscitées par le nucléaire, les préoccupations écologistes s’exacerbent aux Etats-Unis. En 1964, le mouvement pour la préservation de la nature franchit une étape avec l’adoption de la Loi fédérale sur la protection de la nature, « Wilderness act », à l’origine de la création du National Wilderness Preservation System qui permet la protection de 37.000 km² de forêts fédérales.

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  Progressivement, la pensée « écologiste » prend de plus en plus d’importance, le mouvement émergeant pour la protection de la Terre grandit. Ainsi, l’écologie échappe-t-elle désormais au seul domaine scientifique pour signifier tout ce qui est en rapport avec la préservation de l’environnement (habitat, style de vie, association, mouvement politique…).
Une vision radicalement nouvelle apparait, qui invite à sortir des préoccupations anthropocentriques. Dans les années 1960, les photos de la planète bleue, prises de la Lune, participent à ce changement de conscience : l’image de notre fragile vaisseau, perdu au milieu d’un univers noir et sans vie, aide à comprendre combien il a besoin de protection. Le souci n’est plus seulement de préserver les jardins de la pollution ou les forêts de la défiguration, mais d’empêcher la disparition d’éléments vivants. Il n’est plus seulement par rapport aux désagréments causés à l’homme mais aussi par rapport à la vie tout autour de lui.

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En 1962, Rachel Carson, émeut vivement ses lecteurs en narrant la disparition des oiseaux sous l’effet des pesticides dans son ouvrage devenu célèbre Printemps silencieux. Cet écrit, qui repose sur de sérieuses bases scientifiques tout en faisant appel à la sensibilité du public, met en garde contre les effets irréversibles de l’utilisation des produits chimiques à la fois sur l’environnement et sur les êtres humains. Il est considéré comme une référence dans la lutte écologique pour la défense de l’environnement.

Grâce à l’impulsion de Gaylord Nelson, sénateur du Wisconsin, le 22 avril 1970, décrété Jour de la Terre, a lieu la plus importante manifestation au monde pour demander aux politiques la protection de l’environnement. Pour la première fois, il est reconnu officiellement que le problème est d’ordre planétaire. Dans le même esprit, en juin 1972, à Stockholm, la première Conférence des Nations Unies sur l’Environnement se donne pour mot d’ordre « Une seule Terre ».
Dès les années 1960, les experts avaient mis en garde contre les risques d’une croissance illimitée. D’abord la menace paraissait venir de l’augmentation de la population mondiale. Mais, à partir de 1970, on reconnait de plus en plus l’importance des problèmes posés par la croissance économique.

En 1972, la question de notre survie, celle de nos enfants et petits-enfants, fait l’objet de deux ouvrages de référence. The Limits to Growth (traduit en français par Halte à la croissance ?) le rapport du Massachussetts Institute of Technology (MIT) commandité par le Club de Rome, annonce un effondrement de la civilisation moderne, si nous ne changeons rien à notre manière de faire. Le livre connaît un franc succès.

« Si les tendances actuelles de croissance en termes de population mondiale, d’industrialisation, de production alimentaire et d’épuisement des ressources restent inchangées, on atteindra les limites de la croissance sur cette planète dans le courant du siècle prochain. »

Changer ou disparaître – plan pour la survie du magazine The Ecologist remet également en question le projet de croissance sans fin de notre civilisation moderne. Malgré les vives critiques que ces écrits suscitent (notamment sur la recherche d’une croissance zéro), ils contribuent largement à diffuser les thèses soutenues par les écologistes.

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Dans les années 1970, le biochimiste James Lovelock avance l’hypothèse de « la théorie Gaïa » : les formes vivantes d’une planète associées avec leur environnement se comporteraient comme un système auto-régulateur. Ainsi, la Terre serait « un système physiologique dynamique qui inclut la biosphère et maintient notre planète depuis plus de trois milliards d’années, en harmonie avec la vie ». Elle se présenterait comme un vaste superorganisme, auquel Lovelock donna le nom de « Gaïa », par référence à la déesse de la mythologie grecque personnifiant la Terre.
Ce modèle scientifique, encore controversé aujourd’hui, alerte sur les dangers du changement climatique quant à l’avenir de la biosphère. Il a un fort retentissement sur l’écologie (notamment la « deep ecology ») et favorise l’apparition de nouvelles pratiques environnementales et agronomiques dans lesquelles le biote (l’ensemble des plantes, micro-organismes et animaux que l’on trouve dans un biotope) et le milieu sont considérés en interaction.

En 1987, la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’ONU rédige le Rapport Brundtland, officiellement intitulé « Notre avenir à tous » (« Our Common Future »). Celui-ci sert de base de travail au Sommet de la Terre de 1992 et permet de rendre populaire la notion de « développement durable » :

« Le développement durable est un mode de développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. »

Depuis les années 1990, les travaux scientifiques confirment sans ambiguïté le risque d’effondrement de l’écosystème et les populations soutiennent de plus en plus la cause écologique. Leur mouvement fait également place à des revendications sociétales pour un monde plus juste, tout en se démarquant de la vision anthropocentrique traditionnelle.

Il n’est pas étonnant que, la pensée écologique se développant, elle ait, à un moment donné, interrogé les professionnels dans le domaine de la psychologie, les amenant à réviser leur tendance à ne s’intéresser qu’au développement de l’individu sans tenir compte de son environnement non-humain.

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(1) Références
Pour tous ceux qui voudraient en savoir davantage sur l’histoire et le contenu de la pensée écologique, nous renvoyons à l’ouvrage très complet, réalisé par Dominique Bourg et Augustin Fragnière, La pensée écologique, une anthologie, 2014, PUF

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