Lucie Sauvé est une figure emblématique de l’éducation relative à l’environnement (ERE) aussi bien au Québec où elle réside, qu’aux USA et en Europe.
Initialement professeure d’histoire, de géographie et de latin, Lucie Sauvé a contribué pendant plusieurs années en tant que contractuelle à la production et à la diffusion de matériels pédagogiques destinés aux jeunes, au grand public et aux enseignants en lien avec le Ministère de l’environnement canadien. Elle s’inscrit alors dans le mouvement du « renouveau pédagogique » de la fin des années 60 et du début des années 70 ainsi que dans la vulgarisation de l’écologie, science alors nouvellement enseignée.
C’est avec l’intention de structurer tous ses apprentissages en pédagogie, acquis au travers de ses expériences professionnelles, que Lucie Sauvé intègre l’université. Elle entreprend dès le début des années 90 un doctorat, le premier du monde francophone qui relève des sciences de l’éducation à l’environnement, et débute alors une carrière d’enseignante-chercheuse à l’Université du Québec à Trois-Rivières puis à Montréal.
L’UQAM (Université de Québec à Montréal) crée alors la première chaire d’éducation relative à l’environnement et désigne Lucie Sauvé au poste de directrice. Cette période voit la mise en place de programmes de formation, de projets de recherche, de dispositifs de coopération internationale tels que EDAMAZ (« Education ambiental en Amazonia »).
Les dirigeants de la Chaire d’Education Relative à l’Environnement envisagent rapidement de prolonger les actions innovantes en créant le Centre de recherches en éducation et formation relatives à l’environnement et à l’écocitoyenneté : Centr’ERE. Celui-ci regroupe une équipe internationale de chercheurs universitaires, d’organisations gouvernementales et de la société civile ayant une mission éducative. Il promeut une approche démocratique participative autour des questions socio-écologiques et entend participer au développement d’une citoyenneté informée, critique, créative et engagée au regard des questions du « vivre ici ensemble ».
Le Centr’ERE devient un carrefour d’échanges en éducation à l’environnement. Ses agents de recherches ne sont plus seulement issus du Québec. Des partenariats interuniversitaires sont tissés avec l’Amérique du Sud et l’espace francophone en continuité des expérimentations pédagogiques innovantes menées depuis sa création. Ils se fondent sur la transdisciplinarité des chercheurs en vue d’alimenter une réflexion complexe à destination des formateurs et animateurs en Education Relative à l’Environnement.
Lucie Sauvé souhaite ainsi se démarquer d’une éducation au développement durable par trop limitative qui ne peut résumer toutes les dimensions que recouvre l’éducation relative à l’environnement.
« Je tiens à l’expression d’éducation relative à l’environnement car pour moi il s’agit bien de la relation (“relative”) entre l’homme et son environnement. »
« Dans le rapport Brundtland de 1987, la notion de développement durable a servi de stratégie très judicieuse pour faire débloquer la situation qui opposait les partisans de l’économie à ceux du développement. Le développement durable a donc été le compromis accepté par les différents protagonistes. C’était la seule clé conceptuelle dont on disposait pour débloquer la situation, c’était à l’époque une stratégie pertinente et efficace.
Mais ce concept a débordé de son cadre d’origine. Il ne peut pas devenir le fondement de notre action éducative. L’économie est une entité exogène qui détermine les rapports entre l’environnement et la société, le consentement à l’inévitabilité économique n’est pas un projet de société ni une finalité éducative. On ne peut pas éduquer pour un développement durable. Il faut reprendre possession de l’économie.
Les relations économiques doivent être reconstruites. L’ERE intègre une préoccupation de revoir les choix économiques. Si des actions ont été faites pour la protection de l’environnement, l’économie pèse de plus en plus dans la balance et l’environnement devient une contrainte. L’ERE ne peut pas soutenir “l’insoutenable durabilité”, la méprise d’une stratégie devenue fondement, d’autant plus que le développement durable est porteur d’un biais culturel nord-occidental et n’est pas porteur de la diversité culturelle nécessaire à la mise en œuvre d’une ERE. » (Article « Education, environnement et développement durable » https://www.pulaval.com/produit/education-environnement-et-developpement-durable-vers-une-ecocitoyennete-critique)
La notion d’éducation suppose d’une part une dimension individuelle, car elle est une formation dont la personne est au cœur, mais elle présente aussi une dimension collective dans la mesure où elle vise à une co-responsabilité dans l’agir.
La notion d’environnement est intimement associée à celle d’écologie, c’est-à-dire à l’Oïkos, la maison originelle du vivant.
L’éducation relative à l’environnement questionne donc notre relation à soi, à autrui et à notre lieu de vie au travers de la question du libre-arbitre, de l’agir citoyen et du respect des choix subjectifs. Par nature complexe, elle doit promouvoir, selon Lucie Sauvé, la diversité des approches cognitives et pédagogiques qui doivent être pensées comme complémentaires.
Au travers de l’éducation relative à l’environnement, c’est donc bien la question de la relation homme-nature que Lucie Sauvé interroge ou plus exactement la relation homme-homme-nature.
Les trois sphères intereliées du développement personnel et social :
– « La sphère de l’identité contient : l’apprentissage, l’autonomie, la responsabilité par rapport à soi.
– La sphère de l’altérité contient ce qui appartient au groupe : responsabilité par rapport à l’autre, droits de l’homme, paix, citoyenneté.
– La sphère de la relation au milieu rappelle que notre maison de vie est aussi celle des autres êtres vivants. Elle doit développer le sentiment d’appartenance au grand réseau des êtres vivants (écocentrisme). Elle évoque les termes connaître, se situer, combler sa niche. On ne gère pas l’environnement. On se gère par rapport à l’environnement. On apprend à devenir les gardiens (stewardship), les utilisateurs, constructeurs, responsables de cette maison de vie partagée. »
Pour Lucie Sauvé, « il n’existe pas une définition consensuelle de l’environnement. Il s’agit d’une réalité culturellement et contextuellement déterminée, socialement construite. » http://assises-ere.be/4jours/Lucie-Sauve.php
S’intéressant donc aux représentations de l’environnement (« aux visions de l’environnement dont chacun est porteur »), elle en identifie une quinzaine parmi lesquelles :
- l’environnement-nature : à apprécier et à préserver
- l’environnement-ressource : à gérer et à partager (c’est l’environnement tel qu’il est appréhendé dans le développement durable,
- l’environnement problème : il s’agit d’anticiper et de limiter ces problèmes
- l’environnement-système : à comprendre pour mieux saisir la complexité et décider en connaissance de cause
- l’environnement-milieu de vie : à connaître et à aménager,
- l’environnement-biosphère : il s’agit de comprendre cette interdépendance pour développer une solidarité internationale
- l’environnement-projet communautaire : qui interpelle les dimensions politiques, démocratiques.
Entre ces différentes représentations de l’environnement il y a complémentarité.
« C’est donc à travers un ensemble de dimensions interreliées et complémentaires que se déploie la relation à l’environnement. Une Éducation relative à l’environnement limitée à l’une ou l’autre des dimensions reste incomplète et entretient une vision biaisée du rapport au monde. » http://assises-ere.be/4jours/Lucie-Sauve.php
En 2009, Lucie Sauvé a coordonné et co-présidé le 5e Congrès mondial d’éducation relative à l’environnement (Palais des congrès de Montréal) et a reçu le Prix de reconnaissance de l’ADEREQ pour l’excellence de ses travaux en éducation.
La plupart de ses publications sont disponibles au centre de documentation du Centr’ERE https://centrere.uqam.ca/