Deborah Du Nann Winter

Si la question martelée par Paul Shepard – « Pourquoi les humains persistent-ils à détruire leur habitat ? » – interpelle directement le champ de la psychologie, il en résulte que celui-ci est forcément destiné à « un verdissement ». Il doit être révisé par la prise en compte de l’interdépendance au sein du système Terre. Relevant ce défi, Deborah Du Nann Winter publia en 1996 un ouvrage intitulé Ecological Psychology. Healing the split between Planet and Self[1].

Ce professeur de psychologie fait partie des chercheurs qui se sont penchés sur le lien Homme-Nature sans appartenir pour autant à la sphère écopsychologique. Pour elle aussi, la crise écologique questionne la manière dont nos psychés se construisent. Pour elle aussi, il est devenu nécessaire de se tourner vers la psychologie pour avoir des chances d’améliorer la situation actuelle. Mais, au moment de dessiner des perspectives salutaires, elle s’y prend d’une manière différente de celle de Roszak. Alors que l’écrivain en appelle à « une déconstruction de la psychologie traditionnelle et à une révision totale » de la discipline, Deborah Du Nann Winter prône, de son côté, « l’exploitation et l’élargissement des théories et méthodes des principales écoles de psychologie pour comprendre et résoudre nos problèmes environnementaux »[2]. Elle se sert de l’ensemble des travaux déjà réalisés et des recherches en cours pour éclairer les forces psychiques à l’origine de nos comportements et réfléchir à la manière de les faire évoluer.

A l’inverse donc d’une frange de l’écopsychologie qui tendait à rejeter les acquis de la psychologie conventionnelle, pour la raison qu’elle était trop influencée par la vision anthropocentrée, Deborah Du Nann Winter s’attache au contraire à faire apparaître combien chacun de ses domaines spécifiques fournit des éclairages utiles pour le changement des mentalités. C’est ainsi qu’elle-même et Susan Koger, qui l’a rejointe pour la seconde édition de Ecological Psychology, revisitent les différents espaces de recherche de la psychologie – psychanalyse, psychologie sociale, behaviorisme (comportementalisme), psychologie cognitive, gestaltisme… -, dans le but de mettre en évidence leurs apports significatifs pour la construction d’un monde plus écologique.

De leur point de vue, la psychanalyse apporte une grande contribution à l’entreprise, par son étude des raisons inconscientes qui poussent à agir de façon destructive vis-à-vis de l’environnement. Etant donné que les comportements sont en partie fonction du groupe d’appartenance, de ses valeurs et de ses croyances qui se traduisent par des normes partagées, la psychologie sociale fournit, pour sa part, des indications utiles quant aux mesures à prendre sur le plan collectif afin d’inciter les gens à changer leurs habitudes. La psychologie behavioriste, s’intéressant de son côté aux comportements individuels, permet de créer les conditions incitatives (punitions-récompenses) susceptibles d’encourager chacun à se comporter de manière ciblée. La psychologie cognitive, enfin, aide à comprendre comment les personnes pensent leurs relations à la planète et favorise ainsi l’accroissement de l’« intelligence écologique ».

L’ouvrage Ecological Psychology ne se contente pas de faire état des avancées au niveau du courant académique, il prend également en compte des perspectives plus holistiques, comme le gestaltisme et l’écopsychologie qui resituent les êtres au sein du champ relationnel plus large. Paradoxalement, alors que Deborah Du Nann Winter n’a jamais intégré le mouvement promu par Theodore Roszak, son travail de synthèse a été salué par Robert Greenway comme étant « le seul véritable texte d’écopsychologie » !

 

[1] Deborah Du Nann Winter, Ecological Psychology, Healing the split between Planet and Self (« La Psychologie écologique. Soigner la rupture entre la Planète et le Soi »), Harper Collins College Publishers, 1996.

[2] Whit Hibbard, « Ecopsychology : a review », op. cit., p. 5.