Gregory Bateson

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Gregory Bateson est un anthropologue qui appartient à l’une des grandes dynasties scientifiques contemporaines. Son père, William Bateson, fut l’un des plus influents propagateurs du darwinisme.
De 1942 à 1953, Gregory Bateson participa, avec son épouse Margaret Mead, aux conférences Macy qui, sous l’impulsion du neurologue Warren Mc Culloch, réunissaient à New-York des mathématiciens, des cybernéticiens, des anthropologues, des sociologues, des psychologues (notamment gestaltistes), des psychiatres, des neurophysiologistes… Ces rencontres avaient pour but d’édifier une science générale du fonctionnement de l’esprit. Elles contribuèrent au développement du courant de la cybernétique dans les sciences humaines.
Dans la foulée, Gregory Bateson utilisa l’étude des mécanismes des systèmes afin de pousser plus loin la recherche dans le cadre de la communication humaine. En 1952, il réunit une équipe au sein du Veterans Administration Hospital de Palo Alto dans le but d’étudier le paradoxe de la communication chez les schizophrènes. Les travaux de ce groupe aboutirent à la publication en 1956 de Vers une théorie de la schizophrénie, ouvrage dans lequel le concept de « double contrainte » est développé.
 
La « double contrainte » ou « double bind » est le résultat d’injonctions paradoxales, c’est-à-dire d’un ensemble de deux ordres, explicites ou implicites, intimés à une personne qui ne peut en satisfaire un sans violer l’autre. Bateson l’exprime ainsi : « vous êtes damné si vous le faites, et vous êtes damné si vous ne le faites pas ».La double contrainte exprime donc le fait d’être acculé à une situation impossible, où sortir de cette situation est également impossible.

Avec les apports de Bateson et de ses collègues, le patient n’est plus considéré comme un individu isolé sur lequel un diagnostic psychiatrique est posé. Sa maladie est comprise comme un mode d’adaptation à une structure pathologique des relations familiales. Ainsi, l’on passe d’une explication individuelle, linéaire et diachronique à une explication systémique, circulaire et synchronique. Cette théorie, qui provoqua un bouleversement des conceptions psychiatriques traditionnelles, s’est trouvée en convergence avec le courant de l’antipsychiatrie selon lequel le malade mental n’est que le symptôme de la maladie du système dont il fait partie : l’individu n’est en fait que le « patient identifié ».

En 1959, le Mental Research Institute (MRI) est créé pour explorer les implications thérapeutiques des travaux du groupe Bateson. Parmi ses fondateurs et ses participants, on y trouve le sociologue et psychanalyste d’origine autrichienne Paul Watzlawick, les psychanalystes Milton Erickson, Richard Fisch et Erich Fromm. Le courant, devenu célèbre sous le nom de l’Ecole de Palo Alto, sera à l’origine de l’invention de la thérapie familiale et de la thérapie brève.

Voici comment Gregory Bateson présente son ouvrage Vers une écologie de l’esprit T.1 et 2 (1), publié en 1972  :

« Les questions que soulève ce livre sont bien des questions écologiques : comment les idées agissent-elles les unes sur les autres ? Y a-t-il une sorte de sélection naturelle qui détermine la survivance de certaines idées et l’extinction ou la mort de certaines autres ? Quel type d’économie limite la multiplication des idées dans une région donnée de la pensée ? Quelles sont les conditions nécessaires pour la stabilité (ou la survivance) d’un système ou d’un sous-système de ce genre ? Certains de ces problèmes seront concrètement analysés par la suite, le but de ce livre était surtout de nettoyer le terrain pour que des questions comme celles qu’on vient d’évoquer puissent être posées d’une façon sensée. »

En 1979, Gregory Bateson fait paraître un autre ouvrage : La nature et la pensée, qui rend compte de l’interaction entre la conscience humaine et le milieu. Il y écrit :

« Dans l’histoire naturelle de l’être humain, l’ontologie et l’épistémologie sont inséparables ; ses croyances (d’habitude subconscientes), relatives au type de monde où il vit, déterminent sa façon de percevoir ce monde et d’y agir, ce qui déterminera en retour ses croyances, à propos de ce monde. L’homme se trouve ainsi pris dans un réseau de prémisses épistémologiques et ontologiques qui, sans rapport à une vérité ou une fausseté ultimes, se présentent à ses yeux – du moins en partie – se validant d’elles-mêmes. »

De la pensée de Bateson, nous retiendrons trois notions qui nous paraissent jouer un rôle important dans la problématique écopsychologique : le paradoxe, le but conscient et la redondance. Tentons de les expliquer en quelques lignes :
Le paradoxe : alors que nous voulons agir en vue d’accroître notre plaisir ou réduire nos souffrances, les comportements que nous adoptons contribuent au contraire à empêcher le plaisir et à maintenir les souffrances, voire à les accroître.
Les redondances interactionnelles développées vis-à-vis de notre environnement, pour tenter de résoudre les problèmes, nous amènent « à faire toujours plus de la même chose », si, selon l’expression de l’école de Palo Alto, nous ne changeons pas de cadre de références et nous entêtons dans notre vision.
Le but conscient : lorsque nous voulons atteindre un certain but, dit « but conscient », si des faits nous gênent ou empêchent notre action, nous incriminons alors davantage la réalité que notre but. Ce dernier, gardant à nos yeux toute sa pertinence, nous incite à remettre en cause la réalité et non notre relation à ce qui est autre.

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1. voir l’article de Jean-Jacques Wittezaele : « L’écologie de l’esprit selon Gregory Bateson » dans Multitudes n° 24, printemps 2006 http://www.multitudes.net/wp-content/uploads/2006/04/24-wittezaele.pdf 

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