Joseph Reser

Joseph-Reser

 Joseph Reser, chercheur au Centre de Recherche sur les comportements et la santé, est professeur adjoint à l’école de Psychologie de l’Université de Griffith (Australie).
Ses recherches concernent les domaines de la psychologie sociale, de la psychologie environnementale, de la psychologie interculturelle et de la psychologie de la santé. Elles reposent sur l’interdisciplinarité et rentrent dans le cadre d’une psychologie appliquée.

Les sujets étudiés par Joseph Reser sont :

  • les constructions et représentations sociales face à la menace environnementale, la perception du risque et la préparation aux catastrophes naturelles ;
  • la perception naturelle de l’environnement, l’esthétique du paysage, le comportement dans les lieux bâtis et naturels, le rôle du logement dans les moments de transition, la gestion des ressources naturelles dans les zones protégées ;
  • l’impact social chez les autochtones…

Ses travaux les plus récents concernent la question des conséquences psychologiques des changements environnementaux sur les populations. Reser se demande notamment comment la psychologie peut aider à une adaptation aux changements climatiques en atténuant les inquiétudes générées et en contenant la détresse psychologique.

 

Son point de vue sur l’écopsychologie :

Joseph Reser fait une critique sans concession de l’écopsychologie, mais il reconnaît aussi l’intérêt de son approche. Cf. Références

Critique de l’écopsychologie :

Joseph Reser note essentiellement un manque de clarté dans la conceptualisation de l’écospychologie. Ainsi, dans l’interview de 2009, il déclare :

« Je perçois vraiment qu’il y avait le besoin d’une plus grande clarté conceptuelle par rapport à de nombreuses notions et constructions dont on parlait dans le contexte de l’écopsychologie. »

Il relève un manque de connaissance concernant les élaborations complexes qui ont déjà été faites en psychologie et une tendance à s’appuyer seulement sur un bon sens psychologique populaire, plus ou moins en rapport avec le New Age :

« Il y avait des domaines  de la psychologie dont les écopsychologues ne paraissaient pas conscients : les approches psychologiques  “écologiques“ les plus précoces, du temps de William James, et toute la littérature qui accordait une place importante aux notions d’identité, d’attachement et de sens… »

« Il est dommage que, dans la littérature écopsychologique, il y ait si peu de référence faite à la psychologie environnementale ou aux perspectives sur le soi de la psychologie sociale contemporaine. »

Il réagit vis-à-vis de l’écopsychologie quand celle-ci appréhende la société en termes psychopathologiques :

« L’argument qui avance que les gens doivent être des malades mentaux pour se comporter comme ils le font vis-à-vis de l’environnement n’est pas différent des arguments appliqués au tabac, à la guerre ou à la menace nucléaire .. Dire que ce comportement relève de la maladie mentale est, au mieux, une naïveté psychologique. De tels comportements sont certainement irrationnels, illogiques et au bout du compte menaçants pour la vie et la planète, mais ils sont par essence humains et logiques sur le plan psychologique, ils sont une réponse adaptative à la réalité psychologique et à l’ignorance organisée. »

Il reproche également l’attitude de certains écopsychologues qui, n’ayant aucune légitimité sur le plan psychologique, se servent pourtant du terme « psychologie » pour légitimer leurs activités, et même se servent du discours anti-psychiatrique pour mener une « attaque frontale contre la psychologie » :

« (Pour eux) elle (la psychologie) n’était pas seulement indifférente par rapport à la relation Homme/Nature, elle était aussi  responsable, d’une manière ou d’une autre,  de l’aliénation au monde moderne et du désastre imminent. »

« Ce qui est peut-être problématique, dans le contexte actuel, c’est que l’usage du terme “psychologie“ confère une certaine légitimité professionnelle à ce qui est pour l’essentiel un mouvement sociétal, avec ses propres valeurs, son programme et son cadre de références. Etant donné que l’une des métaphores les plus importantes est celle de la guérison et de la thérapie, étant donné qu’il y a un usage plutôt non discriminé et non qualifié de l’écopsychologie à la fois pour la guérison mentale et dans le contexte environnemental, il y a danger. »

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Il relève une certaine quête du sacré au sein de l’écopsychologie, qui n’est pas sans risque, avec « référence fréquente à la magie de la Terre et à l’animisme »

« Si de telles équivalences existent entre l’écopsychologie et la religion, en rapport avec le fait que les gens cherchent à satisfaire des besoins en termes d’identité, de sens, de communauté et de support pour gérer les anxiétés et les peurs, et si ce système donnant du sens ainsi que ce programme de changement social sont le résultat de la menace d’apocalypse et de la morale, il semble bien qu’une “religion“ soit en train de se constituer, tout autant qu’un mouvement sociétal. Le sens de la mission est encouragé par l’usage suggéré de la psychothérapie dans le but de guérir la société et la planète à travers l’action environnementale. »

« Le caractère spirituel de la nature et de la vie elle-même est… différent du prosélytisme évangélique pour un ordre politique et social nouveau qui caractérise les écrits écopsychologiques et le discours écologique radical en général. »

Il met en évidence les confusions conceptuelles (notamment en ce qui concerne la construction du « soi ») ; il pointe l’anthropocentrisme caché du discours, avec une tendance à l’anthropomorphisme (Gaïa), et les présupposés occidentaux sous-jacents.

Enfin, il reproche à l’écopsychologie de trop méconnaître les dimensions sociétales des problèmes environnementaux.

« Clairement…, les gens vont devoir faire face à des problèmes dérangeants, tels que les valeurs et les croyances et la nature de leur souci, mais aussi les différents présupposés culturels au sujet de l’interdépendance Homme/Biosphère, et comment tout cela est relié à des systèmes de sens culturels et au changement social…  Ici, une perspective psychologique sociale et politique est d’une énorme valeur. »

 En résumé :

« Aussi importants et puissants que soient ses arguments et l’histoire intellectuelle occidentale et non-occidentale, et aussi critiques les problèmes dont elle se préoccupe, pour différentes raisons, elle (l’écopsychologie) présente un manque sérieux de crédibilité.

Les points qui sont peut-être les plus saillants dans le contexte actuel concernent l’identification de l’écopsychologie à la psychologie, la présentation des écopsychologues comme des psychologues, la légitimité et le crédit que ce statut confère aux praticiens, l’emprunt sans critique d’élaborations et de théories à la psychologie, la nature évidemment politique et les objectifs explicites de l’écopsychologie, l’application de l’écopsychologie au contexte clinique, le caractère quasi-religieux – et souvent explicitement religieux- du discours, la confusion des niveaux d’analyse et des métaphores avec la réalité, l’anthropomorphisme et l’exclusion de l’homme qui souvent caractérisent le débat ainsi que l’alignement sur la “psychologie“ populaire New Age. »

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Intérêt de l’écopsychologie
 

Joseph Reser estime, toutefois, que l’écopsychologie aurait beaucoup à offrir à la psychologie, particulièrement à la psychologie environnementale, en raison de la largeur de son ouverture et de sa pluridisciplinarité :

« Beaucoup de choses viennent à l’esprit. Des points de repère particulièrement valables, comme l’éco-pertinence ; une perspective culturelle, multidisciplinaire, temporelle, biologique ; la primauté des sentiments ; la nécessité de canaliser les énergies et les compétences individuelles pour un changement efficace et durable ; et, le plus important, l’ampleur et la nature critique de la tâche. Il y a quelque chose qui va au-delà du souci visible qui caractérise le mouvement écopsychologiste – il y a une conscience du passé, du futur et de la nature – et de la signification – des connexions humaines dans la grande toile de la vie.  C’est d’une immense valeur pour une discipline qui est concernée ostensiblement par la condition humaine et la qualité de l’expérience humaine. Pour faire court, cela donne la possibilité que les gens changent avec des comportements et des politiques plus sensibles sur le plan écologique, que nous construisions des interconnexions entre l’humain et l’écosystème, et que la psychologie se développe comme le soi se développe. A un niveau plus pratique et positif, l’écopsychologie, intentionnellement ou non, lance un défi à la psychologie en tant que discipline et profession, celui d’être impliquée avec “le travail réel“. »

« C’est exact aussi qu’en psychologie les stéréotypes trop distants et positivistes existaient et perduraient. La psychologie était tellement tournée vers l’expérimental, tellement orientée vers le comportementalisme, et focalisée sur l’individu, qu’elle en devenait une discipline compartimentée et précieuse. Elle n’était certainement pas très interdisciplinaire, au moins par rapport aux autres sciences sociales et aux études sur les cultures, elle n’était pas non plus capable d’autocritique comme elle aurait pu l’être… Les écopsychologues étaient à leur façon beaucoup plus interdisciplinaires, beaucoup plus conscients des courants qui traversaient les études environnementales, culturelles et les humanités, et en contact avec eux. Beaucoup plus en contact également avec la culture populaire et avec l’endroit où les gens se trouvaient. »

Il relève l’intérêt d’avoir vu le changement personnel comme un agent du changement global.  

« Il y a un sérieux effort pour approcher de façon critique la nature et la dynamique du soi, pour saisir comment les rencontres soi/monde peuvent changer de manière significative la construction du soi et le comportement. Le travail réel est le travail sur nous-mêmes ; l’action directe et le changement politique suivent logiquement et de manière appropriée. »

Et il reconnaît que :

 « La perspicacité de l’écopsychologie, c’est peut-être d’avoir vu que la connexion avec la planète doit aussi se faire au niveau local. »

 

Références

 

Son intérêt pour l’écopsychologie a fait l’objet :
– d’un article, « Whither environmental psychology ? The transpersonal ecopsychology crossroads », dans Journal of Environmental Psychology (1995) 15, 235-257
– et d’une interview « Joseph Reser : Ecopsychology Interview » en juin 2009 http://selfsustain.com/wp-content/uploads/2012/06/INT_Reser_JUNE_2009_ECOPSYCHOLOGY.pdf

Parmi les dernières publications auxquelles Joseph Reser a contribué, nous trouvons :
– Reser, J.P., Bradley, G.L., Glendon, A.I., Ellul, M.C. & Callaghan, R., (2012) « Public risk perceptions, understandings and responses to climate change and natural disasters in Australia: 2010-2011 national survey findings ». Gold Coast, Qld : National Climate Change Adaptation Research Facility. www.nccarf.edu.au/publications/public-risk-perceptions-second-survey.
– Reser, J.P., Bradley, G.L. & Ellul, M.C., (2012) « Coping with climate change: Bringing psychological adaptation in from the cold ». In B. Molinelli & V. Grimaldo (Eds) Handbook of the psychology of coping: Psychology of emotions, motivations and actions (pp 1-34). New York, NY: Nova Science Publishers.
– Reser, J.P., Morrissey, S.A. & Ellul, M., (2011) « The threat of climate change: Psychological response, adaptations, and impacts ». In I. Weisbecker (Ed) (2011) Climate change and human well being (pp19-42). International and Cultural Psychology Series. New York: Springer Publications.

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