L’écologie

Paradigme
Les organismes sont dépendants de leur milieu de vie et les écosystèmes qu’ils forment sont en permanence des entités co-évolutives.

La relation entre les animaux et leur environnement intéressait déjà certains grands penseurs grecs, tels  Aristote ou Théophraste. Mais l’écologie, comme science, apparaît au cours de la seconde moitié du XIXe siècle et prend véritablement son essor au XXe siècle.

On attribue parfois d’une manière réductrice sa naissance au libre penseur Ernst Haeckel (1834-1919). Certes, il est à l’origine du terme  « oecologie », association des mots grecs oikos (« maison », « habitat ») et logos (« science », « connaissance »), qui fonde l’étude des liens entre un organisme et son environnement. Mais c’est oublier qu’il s’inscrit dans un mouvement de pensées porté par des noms aussi illustres que Alexander von Humbolt (1769-1859), Alfred Wallace (1823-1913) ou Charles Darwin (1809-1882) dont il s’inspire grandement.

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Alexander von Humbolt, un des premiers grands explorateurs scientifiques, cherche à expliquer la distribution géographique des végétaux en s’appuyant sur des données géologiques. L’étude de la géographie des plantes le conduit à étudier la manière dont l’environnement agit sur les formations végétales. Elle aboutit à élaborer le concept de « biotope », milieu de vie offrant des conditions d’habitat à un ensemble d’espèces animales et végétales.

Les naturalistes et explorateurs Alfred Wallace et Charles Darwin, pour leur part, proposent une conception des espèces non plus statique mais dynamique. S’impose alors progressivement l’idée que les espèces ne sont pas indépendantes les unes des autres mais qu’elles se regroupent en communauté d’êtres vivants, des biocénoses.

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Il faut attendre 1935 pour voir le terme « écosystème » émerger des travaux de l’écologue britannique Arthur Georges Tansley (1871-1955). L’écosystème est défini comme l’association d’un biotope et d’une biocénose en interaction. Si le biotope agit sur la biocénose, récursivement la biocénose agit tout autant sur le biotope.

Le concept d’écosystème s’est progressivement affiné avec l’émergence et l’épanouissement du paradigme de la complexité dans le monde scientifique.
Conçu comme un certain nombre de parties en interaction, l’écosystème est alors défini comme une unité supra-individuelle, physiquement distincte de ses voisines. Différents éléments vivants (biotiques), et non vivants (a-biotiques) interagissent pour former un tout qui a une cohérence propre, qui est doué d’autonomie. De ces interactions peuvent émerger des propriétés particulières qui permettent au système de se maintenir. Le sol est un exemple classique de propriétés émergentes dans les écosystèmes. Né de l’interaction de micro-organismes, d’animaux et de végétaux avec la roche-mère, il est à la fois indispensable à la vie qui l’habite et créé par elle.

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Dans les années 1970, l’écologue Patrick Blandin (1975) ré-oriente la définition de l’écosystème pour en donner une conception structuraliste : selon lui, tout écosystème est lui-même un sous-système d’un système plus complexe, et ainsi de suite, dans une logique d’emboîtement. Blandin propose alors d’introduire le concept d’écocomplexe, système d’écosystèmes interdépendants sur un territoire. A titre d’illustration, l’appareil racinaire d’un arbre dans le sol peut être envisagé comme un écosystème abritant de nombreux organismes qui en dépendent et dont il dépend. Le tronc et la canopée de l’arbre sont eux-aussi constitués d’écosystèmes (un simple trou dans un tronc forme un biotope qui abrite différents organismes qui le transforment). L’arbre peut être alors défini comme un écocomplexe réunissant ces différents écosystèmes. Mais l’arbre lui-même est inter-relié avec d’autres arbres et la forêt est elle-même un éco-complexe d’éco-complexes, etc.

Un deuxième concept majeur des sciences de l’écologie, la co-évolution, est introduit en 1964 par les chercheurs Paul Ehrlich et Peter Raven. Il décrit les transformations qui se produisent au cours de l’évolution entre deux ou plusieurs espèces. Ce phénomène a donné lieu à de nombreuses recherches dans les relations entre une plante et son insecte pollinisateur ou entre un hôte et son parasite. La généralisation du processus de co-évolution, conçue comme un moteur de l’évolution, conduit certains chercheurs (tout particulièrement Patrick Blandin) à revisiter le concept  d’écosystème. Il ne serait plus une entité spatialement délimitée, mais des individus co-évoluant ou, en d’autres termes, ayant une même communauté de destin. L’écosystème deviendrait alors une entité qui ne cesserait d’évoluer au gré des interactions, certaines co-évoluant plus vite que d’autres.

Finalement, Blandin propose de considérer l’écosystème comme une entité non seulement co-évolutive mais aussi transactionnelle. Un écosystème évoluerait d’un « tout » formé par des entités autonomes, mais capables d’entrer en transaction (c’est-à-dire d’échanger des informations), vers un « tout » où les individus auraient besoin de la transaction pour leur propre transmission intergénérationnelle.

Explicitons le au travers de deux exemples :

L’anémone de mer et le bernard l’hermite peuvent vivre soit indépendamment l’un de l’autre, soit en symbiose. En d’autres termes, ce sont deux entités qui peuvent être autonomes ou entrer en transaction pour développer une communauté symbiotique. Cette transaction nécessite une reconnaissance mutuelle des deux organismes, reconnaissance qui suppose l’existence d’une forme de mémoire (sans doute génétique dans le cas présent) chez chacun d’entre eux. Blandin la nomme  mémoire co-signifiante. Dans ce premier cas de figure, l’anémone comme le bernard l’hermite n’ont besoin ni de l’un ni de l’autre pour se reproduire. Tel n’est plus le cas des mitochondries situées au sein des cellules eucaryotes.

Il est actuellement admis que la mitochondrie est une ancienne bactérie endocytée dans une cellule pour devenir endosymbiotique. Différents résultats de recherche montrent que son génome a évolué lors du processus qui l’a conduite à devenir dépendante de la cellule-hôte. La symbiose a nécessité des transactions, des échanges d’informations entre la cellule et la bactérie et l’élaboration d’une mémoire co-signifiante entre les deux organismes, ce qui a conduit à perpétuer la symbiose de génération en génération.

Blandin propose de complexifier les phénomènes de co-évolution et de transaction en les réduisant non pas à deux mais à plusieurs organismes en interaction. Il y aurait, selon lui, une structuration croissante de l’information dans un écosystème, les organismes développant des interactions de plus en plus étroites avec d’autres. Chaque espèce développerait une mémoire co-signifiante en fonction de son patrimoine génétique et des transactions qui se réaliseraient avec d’autres espèces.
Le concept d’écosystème s’inscrirait alors dans un paradigme de changement généralisé : s’y succéderaient des états transactionnels particuliers et des processus co-évolutifs, au gré desquels  l’écosystème ne cesserait d’évoluer.

Si certains écologues se sont intéressés à l’homme comme un destructeur ou un gestionnaire potentiel de la nature, l’écologie humaine a permis, quant à elle, d’interroger l’espèce homo sapiens dans la sphère de l’écologie, en tant qu’élément susceptible de développer et de favoriser des transactions co-évolutives. En témoignent les liens que l’homme a tissés avec les animaux domestiques. Ils sont le fruit d’une longue évolution qui a conduit à des modifications génétiques et comportementales chez plusieurs espèces animales, mais aussi des modifications  au moins sur le plan culturel chez l’homme.
Déjà Ernst Haeckel définissait l’écologie humaine comme la partie de l’écologie qui étudie l’espèce humaine, ses activités sociales et individuelles, sa culture dans la biosphère. L’écologie humaine s’est ainsi donnée comme objectif d’étudier la biologie de notre espèce et les différents écosystèmes dans lequel elle vit (écosystème rural, urbain, ….) et de saisir l’impact de l’agir humain dans l’équilibre global de la biosphère. En tentant d’identifier les activités humaines qui ont des conséquences directes ou indirectes sur l’environnement, l’écologie humaine ouvre tout un champ de recherche potentiel pour l’écopsychologie.

Références

Blandin, P. (1975). « Les problèmes conceptuels et méthodologiques en écologie biocénotique » Rev. Quest. Sc.

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