Origine du terme écopsychologie
Le terme « écopsychologie » a été mentionné pour la première fois, en 1992, par l’écrivain et historien américain, Theodore Roszak, dans son ouvrage The Voice of the Earth : an exploration of ecopsychology.
Pour répondre aux questions sur la relation Homme-Nature, Theodore Roszak s’était joint à un groupe de discussion au sein de l’Université de Berkeley (Californie), dans lequel participaient, entre autres, les psychologues Allen Kanner et Mary E. Gomes.
Les chercheurs de ce groupe constataient le fossé existant entre les sciences de l’écologie et les sciences humaines. D’un côté, expliquaient-ils, la pensée écologique se développait dans le sens d’une recherche de solutions techniques, sans se questionner sur les raisons pour lesquelles les hommes se comportent de manière si destructrice vis-à-vis de la planète. D’un autre, les sciences humaines restaient essentiellement centrées sur le rapport de soi à soi, ou de soi aux autres.
Pour répondre à ce manque, ils créèrent un nouveau champ de recherche, pour certains interdisciplinaire, pour d’autres transdisciplinaire, qui permette de comprendre les relations que la psyché entretient avec la Nature. D’où le terme « écopsychologie ».
Dans The voice of the Earth, Theodore Roszak dénonce l’attitude anthropocentrée qui a influencé la psychothérapie occidentale jusqu’à nos jours et introduit l’idée d’un « inconscient écologique ».
Voici sa définition de l’écopsychologie. L’écopsychologie est :
1. La synthèse en train d’émerger entre l’écologie et la psychologie
2. L’application intelligente des perceptions écologiques à la pratique de la psychothérapie
3. L’étude de notre lien émotionnel avec la terre
4. La recherche de paramètres d’évaluation de la santé mentale, basée sur l’environnement
5. La redéfinition de la santé mentale en incluant le bien-être de la planète entière.
En 1994, parmi d’autres groupes de travail qui se sont alors constitués, une Table Ronde d’Ecopsychologie vit le jour au Centre de Psychologie et de Changement Social (Cambridge, Massachussets) ; elle devint l’Institut d’Ecopsychologie en 1996.
En 1995, sous la direction de Theodore Roszak, Allen Kanner et Mary Gomes, parut un autre ouvrage, collectif cette fois, Ecopsychology: Restoring the Earth, Healing the Mind, qui permit de faire connaître le nouveau champ à un large public.
Une psychoécologie
En cherchant à comprendre les origines de l’écopsychologie, nous sommes remontés dans le temps, bien avant ce moment présenté comme fondateur que fut la publication de l’ouvrage The Voice of the Earth.
Dans son article « Remembering ecopsychology’sorigins. A chronicle of meetings, conversations, and significant publications », Mark Schroll (Dr en philosophie des sciences) offre une rétrospective du mouvement de l’écopsychologie. Il apparaît que, dès 1963, existait une « psychoécologie ». A cette date, en effet, à l’université Brandies (Boston), le chercheur en psychologie humaniste Robert Greenway rédigea un essai présentant pour la première fois un champ unifié entre la psychologie et l’écologie, auquel il donna le nom de « psychoécologie ». Avec d’autres enseignants, dont Art Warmoth, il mit en place des expériences d’immersion dans la nature sauvage, dont il se servit comme outil thérapeutique auprès de ses étudiants. Il poursuivit cette démarche pendant plus de trente ans.
L’émergence du concept de « psychoécologie », qui évoluera par la suite en celui d’« écopsychologie », participe en réalité d’un vaste changement sociétal qui s’est produit à partir des années 1960 avec l’apparition de nouvelles aspirations et de façons différentes de voir le monde, la contestation des pouvoirs en place et la défense de valeurs innovantes, l’implication de la personne pour l’éveil des consciences et la révolution des découvertes scientifiques…
Au carrefour des courants sociétaux nouveaux et des changements de paradigme scientifiques
« Le courant écopsychologique doit être considéré dans le vaste contexte de la postmodernité et de la recherche culturelle d’un sens et d’une pertinence au-delà du paradigme occidental dominant. » Joseph Reser
L’écopsychologie est née à une époque – les années 1960 – et dans un endroit – les Etats-Unis – où de nouvelles idées ne cessaient d’émerger, touchant à tous les domaines, dans un intense bouillonnement qui remettait en question les fondements de la culture occidentale. Sous la forme de mouvements pacifistes, antiségrégationnistes, écologistes, féministes, psycho-spirituels… un fort courant œuvrait à l’émergence d’un changement des mentalités.
Suite aux provocations de la Beat Generation, mouvement littéraire et artistique qui fit scandale aux USA dans les années 50, l’esprit était à la libération sexuelle. Une génération « au bout du rouleau » (traduction de « beat ») criait son besoin de changement à travers la voix de quelques artistes à la créativité débordante, notamment grâce à l’usage de la drogue. Elle revendiquait le droit à la vie sensorielle et clamait son attachement aux grands espaces naturels (Sur la route de Jack Kerouac, 1957). A cette explosion contestataire de la jeunesse à l’encontre de la domination culturelle d’une bourgeoisie puritaine et d’une société technocratique Theodore Roszak donna le nom de « contre-culture ».
Les nouvelles revendications sociales ainsi que la recherche du bien-être physique et psychique de la personne, la libération sexuelle et l’intérêt pour l’éveil de la conscience créèrent une véritable mutation de la société à laquelle on assista à partir des années 1960, non seulement en Amérique mais dans tout le monde occidental et même au-delà du rideau de fer. En France, ce fut mai 68.
Cette profonde restructuration s’inscrivait dans un contexte de bouleversement des savoirs, à la suite des découvertes révolutionnaires de la physique (théorie quantique, principe de la relativité…), mais aussi dans la continuité d’une histoire qui avait permis de plus en plus l’émergence du sujet et l’avènement de la démocratie. Elle était aussi en lien avec l’ébranlement de la confiance envers ceux qui gouvernent le monde, au regard des ravages monstrueux perpétrés par les régimes totalitaires, fascisme, nazisme et plus tard stalinisme, des bombes nucléaires d’Hiroshima et de Nagasaki et des horreurs de la guerre du Vietnam. En lien aussi avec la montée de la technocratisation d’une société qui ne raisonnait plus qu’en termes mesurables, rationnels, logiques.
Remise en cause de l’autorité, rejet d’une culture, appel à la liberté des personnes, implication plus grande du sujet à la fois pour réaliser son destin et pour vivre l’expérience démocratique… La préoccupation devint de plus en plus celle de la recherche d’une vie harmonieuse, avec soi-même, avec les autres, avec l’environnement non-humain.
Sur le troisième volet, celui de l’environnement, les limites de l’univers de production industrielle commençaient à se faire sentir. En dépit du travail de désinformation opéré par les lobbies, la dégradation des milieux devenait de plus en plus visible, parfois même de manière dramatique (l’accident nucléaire de Three Mile Island eut lieu en 1979 ; en 1989, le pétrolier Exxon Valdez s’échoua sur la côte de l’Alaska, provoquant une importante marée noire).
A partir des années 70, la question de la survie de l’humanité se fit entendre pour la première fois dans les discours. En 1972, elle donna lieu à un rapport du Club de Rome, intitulé The limites to Growth (Les limites de la croissance). Ainsi, le souci du rapport homme-nature commençait à peser de tout son poids dans la société… jusqu’à toucher le monde de la psychologie.
Les courants influents majeurs
Dans les pages de ce site, nous abordons les courants majeurs dont s’est nourri et se nourrit encore le nouveau champ. Notre objectif est de faire connaître leur spécificité.
Ainsi, l’écopsychologie se situe à un carrefour transdisciplinaire qui inclut toutes ces approches, voire davantage. Ces différents courants sont plus ou moins en interconnexion et évoluent chacun pour eux-mêmes dans le sens d’une complexité croissante.
L’écopsychologie est interdépendante :
- des mouvements sociétaux qui se sont développés au cours du XXème siècle :
→ le courant de la « Wilderness »
→ la pensée écologiste
→ l’écoféminisme
→ l’éducation populaire et l’éducation à l’environnement : les courants éducatifs - des découvertes apportées par les sciences, principalement :
→ L’écologie
et dans les sciences humaines :
→ La Psychologie des Profondeurs
→ La Psychologie humaniste
→ La Psychologie transpersonnelle
→ La Systémique - des nouvelles élaborations dans le domaine de la philosophie qui accompagnaient ces changements :
→ Philosophie et écologie
Les initiateurs du courant américain
Plusieurs étapes se sont succédé dans l’histoire de l’émergence du champ écopsychologique aux Etats-Unis :
1. Les années 1960 : Robert Greenway et la psychoécologie
→ Pour en savoir plus sur les initiateurs du courant américain
Bibliographie
-
- Greenway Robert, « Ecopsychology : a personal history » http://www.ecopsychology.org/journal/gatherings/personal.htm
- Hibbard Whit, « Ecopsychology : a review », The Trumpeter, vol. 19, n°3, 2003 http://trumpeter.athabascau.ca/index.php/trumpet/article/view/93/96
- Schroll Mark, « Remembering ecopsychology’sorigins. A chronicle of meetings, conversations, and significant publications » http://www.ecopsychology.org/journal/ezine/ep_origins.html. Cet article parut la première fois en 1994 dans le Journal of the international community for ecopsychology, puis la seconde en 2007, sous le titre de « Wrestling with Arne Naess : a Chronicle of Ecopsychology’s Origins » dans The Trumpeter, vol. 23, n°1 http://trumpeter.athabascau.ca/index.php/trumpet/article/view/940/1353
- Scull John, « Ecopsychology : Where does it fit in psychology in 2009 ? », The Trumpeter, vol.24, n°3 (2008) https://docs.google.com/viewerng/viewer?url=http://trumpeter.athabascau.ca/index.php/trumpet/article/viewFile/1100/1429
→ Voir notre traduction de l’article