Après avoir travaillé en tant qu’ingénieur environnementaliste, Andy Fisher a poursuivi ses études environnementalistes et s’est engagé dans une démarche de psychothérapie auprès de l’Institut de gestalt-thérapie de l’Ontario ainsi que dans un Centre de Focusing. Sa thèse a donné lieu à la publication en 2002 d’un ouvrage, Radical ecopsychology, Psychology in the service of Life (L’écopsychologie radicale, la psychologie au service de la vie, réédité en 2013).
Dans cet écrit, Andy Fisher se donne pour but de présenter et de questionner de façon fondamentale l’écopsychologie. Il nourrit sa réflexion à partir des apports de la psychologie humaniste, des penseurs existentialistes et phénoménologiques, de l’herméneutique, de l’écologie radicale ainsi que du bouddhisme.
Pour lui, notre psyché est inscrite dans la nature par le biais de notre vécu corporel. La crise actuelle de notre civilisation occidentale provient de la violation de la nature tant à l’extérieur de nous qu’à l’intérieur. A partir de son exposé, Andy Fisher en arrive à la conclusion que l’écopsychologie se doit de creuser davantage les questions qu’elle soulève concernant le rapport homme/nature et qu’il lui faut notamment s’engager dans une tâche critique vis-à-vis de notre société.
Dans la préface écrite pour Radical ecopsychology, David Abram affirme que l’ouvrage est « le plus important travail jamais écrit sur l’écopsychologie du point de vue d’une perspective clinique ». Il est important de noter également qu’il fait preuve d’un réel effort de conceptualisation qui manquait au domaine de l’écopsychologie.
Actuellement, Andy Fisher vit dans l’est de l’Ontario (Canada) où il continue à exercer en tant que psychothérapeute et à travailler sur le concept d’écopsychologie. Il enseigne également l’écopsychologie à l’Université du Vermont et anime des stages d’immersion dans la nature.
Son site : http://andyfisher.ca/
Le livre Radical ecopsychology, Psychology in the service of life (http://www.sunypress.edu/p-5603-radical-ecopsychology-second-ed.aspx) nous paraissant particulièrement utile pour l’approfondissement du champ de l’écopsychologie, nous en avons traduit l’introduction ainsi que le résumé fait par l’auteur lui-même. En outre, nous avons réalisé un compte-rendu détaillé de l’ouvrage en son entier.
Andy Fisher ayant autorisé le libre accès sur internet à l’introduction et au résumé de son ouvrage et l’éditeur nous ayant lui-même autorisé à publier notre traduction de ces écrits, il vous est possible d’accéder à celle-ci (cf. ci-dessous).
Au cours de votre lecture, quand vous aborderez le sommaire d’un chapitre, vous trouverez un lien qui vous permettra, si vous le désirez, d’obtenir davantage d’informations à partir du compte-rendu que nous-mêmes avons réalisé.
Introduction de Radical ecopsychology
« Ce livre est à la fois une introduction à l’écopsychologie et un essai pour encourager ce domaine à devenir plus complet et davantage critique. Les écopsychologues soutiennent que la santé véritable s’enracine dans la réalité du monde naturel, que la crise écologique manifeste la coupure pathologique d’avec cette réalité, et que le chemin pour sortir de la crise doit inclure, parmi d’autres choses, une réconciliation psychologique avec la terre vivante. Ceci, bien sûr, est un point de départ incontournable. Cependant, ce que l’écopsychologie a encore à faire est de s’organiser en tant que projet cohérent, ses efforts manquant jusqu’à présent d’homogénéité. En outre, elle doit développer une compréhension adéquate du champ, intellectuellement complexe et politiquement chargé, dans lequel les écopsychologues sont entrés. Mon livre a un double but. En premier, je désire décrire le domaine de l’écopsychologie pour montrer comment ses divers éléments tiennent ensemble dans un tout radical. Par cet exercice, j’espère à la fois rendre le champ plus intelligible et offrir aux écopsychologues des moyens pour mieux repérer et coordonner leurs activités. Mon deuxième but est d’offrir une version de ce à quoi une écopsychologie complète et radicale pourrait ressembler. Je le fais en construisant méthodiquement ma propre psychologie centrée sur la nature et en indiquant comment elle peut être utilisée en tant que fondement solide à la fois pour la pratique écopsychologique et pour la théorisation sociale critique. Par-dessus tout, je désire que ce livre parle à un large spectre de personnes – d’autres écopsychologues, des étudiants, des psychologues, des écologues, des éducateurs environnementalistes, des philosophes, des théoriciens critiques, des activistes et des lecteurs en général – qui peuvent le trouver pertinent parce qu’il nomme et aborde leurs propres centres d’intérêt.
Ce qui me motive en tant qu’écopsychologue est simplement mon souci pour la vie. Je suis devenu un penseur écologique en raison de mon inquiétude face aux violations de la vie non-humaine, parce que mon cœur était déchiré devant la dévastation de la terre. Par la suite, je suis devenu un psychothérapeute pour une raison similaire, en raison de la violation ordinaire ou du gaspillage de la vie humaine. Certains ont décrit l’existence quotidienne au sein de notre réalité basée sur l’économie et la technologie comme un processus traumatisant chronique agissant à bas bruit. Le champ de la psychothérapie suit lui-même un changement paradigmatique depuis que le rôle de l’abus et du traumatisme dans l’origine des désordres mentaux est de mieux en mieux reconnu. Cependant j’ai été étonné par l’absurdité que représente « l’alignement des blessés » dans le cabinet du psychothérapeute et l‘étude dans ses moindres détails du processus thérapeutique, alors que les forces sociales quotidiennes, qui violent notre nature et garantissent un stock régulier d’âmes mutilées, ne sont pratiquement pas questionnées – et alors que ces mêmes forces générales continuent à faire leur œuvre de destruction vis-à-vis de la biosphère. Dans un sens critique, l’écopsychologie, de mon point de vue, représente un effort pour comprendre les liens sociaux entre ces deux types de violence : la violation que nous reconnaissons comme étant responsable de la crise écologique et la violation que nous reconnaissons comme étant responsable de la souffrance humaine. Par contraste, le sens plus populaire et familier de l’écopsychologie est ce que j’appelle le sens thérapeutique, celui de la mémoire collective. Dans ce cas, l’écopsychologie représente un effort de réintégration, un effort pour se souvenir comment – en termes psychologiques – nous, les humains, faisons partie du grand processus de la vie. Sa vision est celle d’une guérison et d’un épanouissement des humains qui marche de concert avec la guérison et l’épanouissement du monde naturel plus large, au cœur de la grande célébration de la vie. Je soutiens que l’écopsychologie a besoin de ces deux aspects à la fois. Une écopsychologie critique qui comporte à la fois des moments thérapeutiques et de ressouvenance sera, en d’autres mots, une véritable psychologie au service de la vie.
Être radical signifie remonter aux racines. J’ai choisi le titre « Radical Ecopsychology » parce que l’écopsychologie est une compréhension radicale dans les deux sens qui viennent d’être mentionnés. De manière critique, elle nous renvoie aux arrangements culturels, sociaux et historiques qui, à la base, autorisent, légitiment et font croître le préjudice vis-à-vis de la nature simultanément humaine et non-humaine. Tandis que l’écopsychologie, versus thérapeutique et versus ressouvenance, nous conduit aux racines de qui nous sommes, en tant qu’êtres humains dans un monde plus-qu’humain. Si l’écopsychologie est en soi un projet radical, comme je l’affirme ici, alors mon titre est évidemment redondant. Cependant, ce titre a un rôle stratégique, celui de mettre l’accent sur le fait qu’en tant qu’écopsychologues nous avons besoin de rejoindre la pleine radicalité de notre champ. Une écopsychologie plus consciente de sa radicalité serait aussi en meilleure position pour se faire une place. C’est un fait que nous sommes limités dans notre capacité à étudier la psychologie de la relation homme-nature car cette relation est tellement affaiblie dans la société moderne. Le terme de « relation homme-nature » désigne une sorte de terre oubliée, une part de réalité relativement cachée pour la plupart des gens modernes. Nous manquons aussi de milieux intellectuels pour articuler cette réalité. Les sciences humaines et sociales (telles que la psychologie) dépeignent un monde sans nature, tandis que les sciences naturelles (telles que l’écologie) dépeignent un monde sans hommes. Alors où conduit un champ (tel que l’écopsychologie) qui enfourche sans se décontenancer la division redoutée homme-nature ? Comment pourrait-elle trouver ses assises conceptuelles ? Ma réponse est que nous, les écopsychologues, avons besoin de trouver une voix qui corresponde à notre champ, nous devons inventer ou imaginer nos propres termes de manière que nous puissions défendre nos positions. C’est seulement avec de nouveaux cadres de pensée et de nouvelles pratiques que nous pourrons saisir le côté unique de notre lutte conceptuelle et politique. Par « radical », je ne veux pas dire extrémisme ni moralisme pesant, mais seulement une certaine insistance pour que nous allions au fond des choses et que nous refassions notre monde comme nous devons le faire.
Finalement, je conçois l’écopsychologie comme une psychologie basée sur une politique écologique. Je nomme ma propre recherche psychologique « naturaliste » car elle prend sérieusement en compte que nous sommes aussi nature. Elle affirme que nous appartenons à l’ordre naturel, que nous sommes donc sollicités par lui, limités par lui, et que nous ressentons ses demandes à travers l’expérience corporelle. Je nomme aussi mon approche « expérientielle » car elle utilise l’expérience comme point de référence et met l’accent sur l’ordre naturel de notre expérience. Vraiment, je conçois l’écopsychologie comme un champ dans lequel l’humain et le naturel se rejoignent dans l’expérience. L’avantage d’une telle approche naturaliste et expérientielle est qu’elle peut relater de manière relativement directe comment chacun de nous expérimente la crise écologique, comment nous vivons dans nos corps la maltraitance envahissante à l’égard de la nature (à la fois humaine et non humaine). De ce point de vue, il peut être aidant d’identifier les tendances au déni –déni de la vie – de notre société (telles que nous les expérimentons) et de laisser remonter la soif authentique pour un monde davantage centré sur la vie. Ceci nous offre un chemin plus qualitatif pour relever les défis sociaux actuels. Considérons, dans ce sens, la remarque de Tom Athanasiou : “Pour gagner, les mouvements verts, les mouvements des travailleurs et les défenseurs des droits de l’homme doivent aller vers le global, juste comme leurs corporations l’ont fait.” C’est un bon point de vue. Cependant la pensée de devoir « aller vers le global » déclenche des contractions dans mon corps. Je ne dis pas que nous devrions négliger les questions globales, mais seulement qu’il est important de faire attention aux contractions du corps. En d’autres mots, je suis convaincu que nos tentatives pour nous confronter à la crise écologique seront bénéfiques seulement si nous intégrons une bonne compréhension, incarnée, de quel genre de créature nous sommes et de ce qu’est notre propre nature. Pour aborder les choses différemment, je me tourne vers la déclaration de Audre Lorde : « la poésie n’est pas un luxe » – je cherche une approche dans laquelle une analyse critique a le droit de coexister avec la description des traces de chevreuils, le soleil sur les troncs d’arbre et des embrassades sincères. J’ai choisi d’approcher la question sociale selon mon propre chemin naturaliste et expérientiel.
Finalement, je dois admettre que ce livre n’est pas assez radical. Étant donné les contraintes usuelles de temps et d’énergie, je n’ai pas pu suivre les implications de mes propres idées jusqu’au point où elles voudraient m’emmener. Bien que, dans ces pages, je parle de ce qu’est l’écopsychologie et de comment elle pourrait évoluer, je suis cependant conscient d’avoir agi en fonction de ma propre perspective et de ma propre position sociale qui sont limitées. En dépit de cette restriction inévitable, j’espère avoir montré que le projet de l’écopsychologie est essentiel. Pour ce projet, nous en sommes encore aux débuts. Certainement, une grande part de mon travail a consisté à trouver la bonne approche. En lui-même, ce livre est une sorte de préface. »
Résumé de Radical ecopsychology
« Le livre est divisé en deux parties, la première partie servant de base à la seconde. Dans la première partie, “Le travail de base”, j’initie le lecteur au champ de l’écopsychologie ; je réfléchis au projet écopsychologique dans sa globalité ; et je situe mon propre travail à l’intérieur de ce grand projet. Les deux chapitres contenus dans cette partie du livre sont d’une tonalité académique et d’une érudition certaine. Le lecteur repoussé par ce préambule, ou qui préfère se rendre directement à l’exposé principal, est invité à lire d’emblée la seconde partie. Cependant, une fois qu’il l’aura lue, je l’encourage à revenir aux chapitres antérieurs.
Le chapitre un, “Découvrir le champ de l’Ecopsychologie”, commence par un bref exposé des antécédents historiques de l’écopsychologie et des définitions qui sont couramment utilisées. La plus grande partie de ce chapitre est un exposé des quatre tâches principales qui, de mon point de vue, constituent le travail essentiel de l’écopsychologie. Je les appelle : la tâche psychologique, la tâche philosophique, la tâche pratique et la tâche critique. Je pense que le meilleur moyen de définir le projet de l’écopsychologie est de dessiner les interrelations entre ces quatre tâches historiques. Étant donné que chacune de ces tâches dépend des autres, je pense qu’elles doivent être poursuivies de manière plus ou moins concordante, soit en coordonnant des efforts séparés, soit en les rassemblant toutes à l’intérieur d’une entreprise individuelle. Afin de démontrer l’interdépendance entre les quatre tâches, j’ai opté dans cet ouvrage pour la dernière stratégie. En ce qui concerne la tâche psychologique, je propose une psychologie « naturaliste » – elle vise à relier les revendications et les limites de la nature humaine aux revendications et aux limites du monde naturel. En ce qui concerne la tâche philosophique, j’adopte le parti de construire une théorie qui soit basée sur les traditions expérientielles ou phénoménologiques à la fois dans la philosophie et dans la psychologie. En ce qui concerne la tâche pratique, je propose une trame expérientielle pour entreprendre une large série de pratiques qui viennent à l’encontre des tendances destructrices de notre société vis-à-vis de la vie. Et pour finir, en ce qui concerne la tâche critique, je situe mon projet à l’intérieur de ce que je considère comme les courants les plus profonds et les plus critiques à la fois de la psychologie et de l’écologie, et je démontre comment une psychologie naturaliste et expérientielle peut être utilisée en tant que base pour développer une théorie critique de la société moderne. Pour en savoir plus →
Dans le chapitre deux, “Le problème avec le Normal”, je me demande quelle sorte de discours le champ de l’écopsychologie nécessite, quelle méthode est la plus adéquate pour approcher le sujet de l’écopsychologie. Le problème avec le courant principal, normal, de la psychologie – y compris « la psychologie environnementale » – est qu’il est compromis dans ces dualités philosophiques (intérieur/extérieur, humain/nature, sujet/objet) que l’écopsychologie doit dépasser. Pour mon projet, j’adopte une méthode interprétative ou « herméneutique » – qui peut fonctionner dans l’espace délicat entre l’humain et le naturel et qui peut mettre au jour les aspects de la relation homme-nature, ce que la science normale ne peut faire. Parce que je souhaite établir l’écopsychologie comme un projet qui soulève des doutes radicaux face à la voie dans laquelle la société moderne est engagée, j’adopte aussi une méthode rhétorique. Historiquement, la rhétorique, comme un art, a employé le langage dans un sens symbolique afin de créer des effets expérientiels spécifiques dans la psyché ou l’âme, pour informer, satisfaire et mouvoir le lecteur. Comme James Hillman l’a suggéré, l’approche rhétorique est particulièrement appropriée au discours psychologique. Pour un projet radical comme celui de l’écopsychologie, je pense que l’approche ouvertement rhétorique est d’autant plus impérative. Les traditions herméneutique et rhétorique reconnaissent à la fois la nature prioritairement symbolique ou métaphorique de la réalité et offrent un espace pour la discussion qui peut nous toucher là où nous vivons, tout en avançant des points de vue qui s’opposent au statu quo social et culturel. En somme, un discours interprétatif et rhétorique peut parler à la réalité éprouvée de notre relation étroite au processus vivant et ainsi dire quelque chose de critique qui puisse aider notre société à se dégager de son positionnement initial de séparation. Pour en savoir plus →
Dans la seconde partie, “Nature et expérience”, mon but est d’abord de démontrer la faisabilité du projet – de montrer que le saut d’une psychologie humaine à une psychologie centrée sur la nature peut éloigner fortement de ce qui est déjà accepté ou de ce qui est familier à l’intérieur des pensées psychologique et écologique, et de montrer également que nombre d’implications au niveau pratique et critique peuvent immédiatement en être tirées. J’appelle cette partie du livre « Nature et expérience » car ce sont mes deux termes centraux. Nature se réfère à l’écologie, expérience à la psychologie. Nous découvrons les revendications de la nature précisément en interprétant ce que nous expérimentons d’elles dans notre corps. Ainsi j’avance que si nous avons une meilleure compréhension de notre propre nature, aussi bien que de notre place au sein de l’ordre naturel plus vaste, il devient crucial pour nous de travailler de manière expérientielle. En outre, apprendre à faire ainsi a le caractère d’une tâche thérapeutique et historique, dans le sens que vivre à l’intérieur des structures répressives du monde moderne tend à nous faire perdre le contact avec notre expérience corporelle. En conséquence de quoi nous devenons limités dans notre capacité d’offrir un accompagnement à partir de notre propre ressenti et devenons vulnérables face aux manipulations idéologiques de toutes sortes. C’est pour cette raison que je conçois une écopsychologie comme une sorte de politique naturaliste et expérientielle qui s’oppose aux tendances à la domination de cette société vis-à-vis de la nature ainsi qu’à ses tendances réifiantes, ce qui correspond à relocaliser la psyché au sein du monde naturel plus large.
Dans le chapitre trois “Commencer avec l’expérience”, j’avance, selon la tradition des existentialistes, que nous avons besoin d’enraciner l’investigation écopsychologique dans l’expérience vécue. L’objet de ce chapitre est donc d’offrir des concepts, des descriptions et des exercices qui permettent au lecteur de se familiariser avec les termes qui parlent d’expérience. De manière plus spécifique, je désire que le lecteur réalise que notre expérience est toujours un phénomène corporel et qu’elle est toujours aussi en interaction avec un environnement. Une fois cette évaluation faite, une première marche est franchie dans le domaine de l’écopsychologie. J’introduis en plus la notion-clé de « processus de vie ». Je suggère qu’à la fois la psychopathologie épidémique humaine et la crise écologique peuvent être comprises de manière féconde en termes de violation générale du processus de vie sous l’effet des relations sociales capitalistes. Cette compréhension permet une stratégie critique utile pour lier psyché et écologie. Elle offre aussi un chemin pour unifier de manière conceptuelle nos crises psychologique et écologique, chapeautées par notre condition culturelle nihiliste dans laquelle la violation de la vie est liée à l’absence frustrante de sens ou à l’appauvrissement largement étendu de notre expérience. Pour en savoir plus →
Le chapitre quatre, “De la psychologie humaniste à la psychologie naturaliste”, est un pont entre le chapitre trois, dont les sources sont d’abord « humanistes », et le chapitre cinq qui propose une approche spécifiquement « naturaliste ». Le pont lui-même est une investigation sur la nature et la nature humaine, dans laquelle j’explique ce que je veux dire par ces termes extrêmement contestés. Bien que tout cela apparaisse comme un exercice stupide, il est tout de même nécessaire, pour la raison évidente qu’un grand nombre enfourche la question de la compréhension de la nature, y compris en nous considérant (et même si nous nous considérons) comme des êtres spirituels. J’examine un certain nombre de conceptualisations sur la nature à l’intérieur de trois catégories générales : le monde naturel ; la qualité essentielle, la façon d’agir, le positionnement ou le caractère d’un être ; et la force de vie (désir, esprit, etc.) Alors qu’il est juste de permettre une pluralité des interprétations à l’intérieur de ces catégories, je crois également honnête de débattre en vue de meilleures interprétations – on y arrive à travers l’expérience approfondie de chacun. C’est seulement en entreprenant l’investigation herméneutique du sens de la nature (même si une telle investigation ne peut avoir de point final) que nous trouverons des arguments persuasifs concernant ce qui est violé et ce qu’il est nécessaire de retrouver. En affichant mon positionnement réaliste, j’affirme que la place des humains dans l’ordre naturel n’est pas un puzzle insoluble, mais qu’elle est à trouver dans la structure de notre nature corporelle, reliée au monde ; et que les demandes de la nature, à l’intérieur et à l’extérieur, peuvent dès lors ne pas être simplement intellectuelles, économiques ou totalitaires. Pour en savoir plus →
Le chapitre cinq, “La psychologie naturaliste : un aperçu”, est mon esquisse d’une sorte de psychologie qui servirait le processus de vie ou présenterait la relation homme-nature comme une question primordiale. La psychologie naturaliste préconise la fidélité à la nature, elle recommande d’être au service de la nature et de voir les êtres humains comme faisant partie de l’ordre naturel plus large. Je désire développer une psychologie qui réinterprète notre situation actuelle en termes plus primordiaux, en même temps qu’elle reconnaît la nature historique et culturellement arbitrée de la réalité humaine. Au cœur de cette psychologie, il y a trois principes herméneutiques (ou « faisant du sens ») qui, selon moi, seront utiles pour nous servir de supports, à ce stade précoce d’investigation. Le premier : nous sommes façonnés par la nature pour participer largement et à jamais au monde. Le second : notre parole est toujours un chant de ce monde. Et le troisième : tout phénomène est entrelacé avec – ou le miroir de – un autre parce qu’ils sont de la même « chair ». Je termine ce chapitre en illustrant ces principes à travers l’étude d’un cycle de vie humaine dans le contexte du monde plus qu’humain. J’évoque le besoin enfantin d’amour, de relations humaines affectueuses et d’un contact exploratoire avec la nature sauvage ; le besoin dans l’enfance d’une immersion ludique dans le monde naturel ; et le besoin, au moment de l’adolescence de rites de passage vers l’univers sacré de l’adulte, dans lequel le monde naturel est compris non pas comme une réalité issue de la chute qui doit être transcendée mais comme l’enracinement quotidien de notre existence humaine limitée et mystérieuse. L’intérêt pour le cycle de la vie humaine est un point-clé de mon approche. Pour en savoir plus →
Dans mon sixième et dernier chapitre, “Trouver le sens de la souffrance dans un monde technologique”, j’insiste sur la nécessité d’inventer une psychologie qui ne soit pas seulement destinée à ceux qui aiment le grand air mais qui puisse servir de base pour une critique sociale. Ce chapitre est donc mon essai le plus concentré pour lier mes efforts psychologiques à un cadre critique. Etant donné mon approche, je prends l’idéologie du progrès technologique et économique comme objet de ma critique. Mes arguments reposent sur la conviction que les humains ne trouveront jamais le bonheur à partir de l’exploitation du monde naturel en vue du progrès. En vérité, notre système économique et technologique a produit un besoin pervers de souffrir. Une société qui est organisée fondamentalement pour servir l’expansion du capital – plus que pour servir la vie – doit exploiter de manière croissante à la fois les humains et le monde naturel, et génère ainsi un état de ruine psychospirituel et de crise écologique. Je ne veux pas dire forcément ce qu’il faut faire, mais je suis certain finalement que la pratique de l’écopsychologie nécessite d’être en opposition avec ce système. Dans ce chapitre, j’avance que l’élément le plus crucial d’une telle « pratique contre » est qu’elle donne du poids à notre expérience (organisée naturellement), que nous apprenons autant que possible à écouter et à repérer. La politique expérientielle n’est pas une révolution violente ni un plan abstrait, elle trace les étapes vers la vie, qui émergent du contact sincère avec la réalité ressentie au présent. Une telle politique peut aider les gens à vivre une vie écologiquement radicale, quel que soit le chemin faisant sens dans le contexte de leur propre expérience et de leurs intérêts. Je perçois deux conditions principales pour la pratique de l’écopsychologie : elle doit offrir un support pour résister et s’opposer aux tendances au déni de la société moderne et pour construire à la place une société écologique ; elle doit faire revivre ces formes humaines de pratique, grandement oubliées, qui impliquent un engagement plein de sens et réciproque avec le monde naturel. Je termine le chapitre par une réponse à Freud, en indiquant que « la question fatidique » pour notre époque n’est pas de savoir si l’instinct de vie peut gagner sur l’instinct de mort, mais si oui ou non nous choisirons de trouver les voies collectives pour porter notre peine et notre souffrance, pour nous fortifier, afin d’arrêter de nier la vie et ainsi de revenir à elle. » Pour en savoir plus →